Bingo !

Hier matin, mon épouse se réveille en me demandant :

—              Tu crois que c’est la fin du monde ?

Aïe, la journée commence bizarrement.

La fin du monde.

La fin du monde chacun confiné chez soi.

Dernier jour de ses vacances. C’est peut-être ça ?

Et il pleut des cordes. Pas de jardin.

Les vacances ont été reposantes, mais sur un rythme très étrange, totalement décalé, on se lève à midi, on déjeune à 14h, on goute, on dîne à 20h30, on attaque un film à 22h…

Mais demain, promis, on se lève plus tôt, on se recale !

Et, par la force des choses, c’est bien ce qui s’est passé.

Réveil 7 heures, reprise du travail.

Et, surprise !

Ma fille de CP se réveille aussi !

Alors câlin dans le lit, une histoire, petit dej en jouant aux Mille Bornes et ?

L’école à la maison pendant les vacances !

Modifiée, l’école à la maison.

Rallongée.

30 minutes de français rien que pour les CP – contre 20 minutes avant. Et 30 minutes de maths !

Et revoilà François. Il est vraiment sympa. Il donne envie d’apprendre.

Aujourd’hui, la lettre « c » qui se prononce « s » devant le « e », le « i » et le « y ».

En avant. Pas mal de lecture, ça coince+++.

Ma fille se tortille dans tous les sens, lit à l’envers, remue, fait des tours.

J’ai appris à respecter ces mouvements intempestifs depuis mon fils de 13 ans. Il fait pareil. Au début, c’est hyper-énervant.

—              Reste en place, arrête de remuer, mais comment tu veux être concentré en gesticulant sans cesse !

J’avais l’impression qu’il n’écoutait rien, qu’il s’en fichait, qu’il de foutait de moi.

En fait, j’ai découvert la « mémoire synesthésique ». Quésako ? Il y a des personnes qui ont une mémoire visuelle – qui photographient ce qu’ils lisent, d’autres une mémoire auditive. Et bien il y a aussi ceux qui apprennent par les gestes et les positions de leur corps.

Donc, quand je travaille avec mon fils de 13 ans, on s’installe dans le jardin. Et il fait de la trottinette ou du trampoline. Et figurez-vous que ça marche, et même plutôt bien.

Je laisse donc ma fille gigoter et se tortiller.

Mais quand elle commence à raconter n’importe quoi, à inventer des mots et rigoler comme une banane, stop le remue-ménage.

—              Tiens-toi bien ! Tiens-toi droite ! je lui dis d’une voix sévère.

Je me rappelle que je ne suis pas le maître de l’ancien temps, le maître que j’avais en CP, Monsieur MERUMBERGER, blouse vert chasseur, coupe de cheveux stricte, lunettes rectangulaires, jamais un sourire, qui faisait venir devant son bureau, devant tout le monde et qui tapait sur le bout des doigts avec se règle en métal si on se trompait… Douleur et humiliation. On tremblait… Fils de pute ! Va rôtir en enfer, bâtard !

Donc, je ne suis pas celui-là.

Je suis le Papa qui décide qu’il est temps de faire une pause et qui crie de joie :

—              Bravo, tu as réussi à écrire « crustacés » !

Et on danse, et on saute et on rigole !

—              Crustacés, crustacés, crustacés !

Macron, hier, il ne rigolait pas.

Et nous non plus.

Vous auriez vu la tête des enfants.

Ils attendaient l’allocution présidentielle.

Et ils sont restés jusqu’au bout.

—              Vous attendiez quoi au juste ?

—              Des infos, dit ma fille de presque 17 ans. J’ai besoin de savoir où on va. C’est son rôle de nous tenir informés.

Ils n’ont pas été déçus, les pauvres.

On en reprend pour 4 semaines.

Dur.

Mais ce n’est pas ça qui contrarie le plus les garçons. C’est ce qui vient après :

—              Le lundi 11 mai, nous ferons tout notre possible pour rouvrir les crèches, les écoles, les collèges et les lycées.

—              Quoi ?

—              Moi, jamais je ne retourne au collège, c’est mort !

—              Jamais de la vie !

—              Si le collège re-ouvre, vous irez au collège.

—              Jamais.

On verra.

—              On n’est pas encore le 11 mai…

merci Juliette!

En attendant, ce matin, j’ai envie d’essayer quelque chose.

Une séance d’hypnose collective pour entrer en soi et découvrir- peut être – une idée d’un début de commencement de motivation. Je vais adapter une séance que j’ai pratiquée hier soir avec Bernard Werber, l’auteur des fourmis, qui propose d’aller plus loin dans nos histoires, de repousser notre inconscient en allant faire du tourisme dans nos vies antérieures à la recherche d’idées d’histoires.

Héhéhé.

On va voir si ça donne quelque chose.

Je vous tiendrai au courant, promis.

C’est une occase de faire qqch ensemble.

L’occase de chercher avec eux.

—              On n’aurait jamais dû parler d’avenir et de motivation avec toi, râle mon fils de 15 quand je le réveille à 11h30 et que je lui annonce la bonne nouvelle.

Depuis hier, après une discussion avec un copain sur les écrans, on s’est rappelé que quand on avait leur âge, parfois, on s’ennuyait. ET que c’est ce qui nous a poussé à aller bricoler, découvrir, lire, dessiner.

C’est ce qui fait notre force actuellement.

Bon.

Action réaction !

—              Hello les garçons, je vous ai apporté une pile de livres. À partir de demain, et comme vous ne travaillez pas, votre temps d’écran sera corroboré à l’obligation de lire 30minutes par jour.

—              Ah non, tu ne peux pas faire ça !

—              Si.

—              Non. Tu sais qu’on a horreur de lire.

—              Mais vous avez horreur de tout !

J’ai choisi des gros livres.

Ma fille de presque 17 ans me signale que je n’ai aucune chance de les motiver avec de gros livres comme ça.

—              T’as vu la taille des livres, en plus ! 548 pages !

Bingo ! m’indique ma fille par un sourire.

—              Je vous explique. Commencer un livre, ça peut être un effort. Alors un gros livre, l’avantage, c’est que si c’est dur à commencer, une fois qu’on y est, ça dure longtemps !

—              Pas question.

—              C’est comme un film. Est-ce que la première chose que tu regardes pour choisir un film est sa durée ?

—              J’aime bien les longs films.

—              Alors, tu aimeras les longs livres.

Bon, en conclusion, les vacances, c’est bien.

Mais je suis content d’avoir repris un rythme plus dynamisant.

C’est fou comme on s’accroche aux anciennes habitudes.

C’est de la culpabilité ?

C’est simplement la vie.

L’homme est un être social, sociable et qui a besoin de s’occuper.

C’est sûrement un peu réac, me direz-vous.

OK.

J’assume.

Mais si ça me fait un peu mal aux seins de décréter des trucs comme ça.

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

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