Qu’est-ce que vous allez faire de votre dernière semaine de confinement ?


Certainement pas des masques.
Il y a quinze jours, avec mon épouse et ma fille de CP, nous nous sommes lancés dans la fabrication de masques en tissus artisanaux.
1/ quel type ?
2/ quel patron ?
3/ compréhension du tuto.
4/ installation du matériel : machine à coudre, OK, tissus, OK, aiguilles, OK, de quoi tracer. Une règle d’un mètre, OK mais ça se complique, le fer à repasser, bigre, il est là-haut, et qui dit fer à repasser, dit table à repasser. Là, c’est un véritable déménagement, une entreprise imposante, un vaste chantier.
5/ traçage du patron, des différentes pièces : 1 carré de 20×20 pour la face, 1 autre pour l’envers, et — comme on n’a pas d’élastique — deux liens de 1m à plier en 4 au fer à repasser pour fixer les masques autour de la tête.
Au total, au moins 2 heures de temps pour faire 3 masques.
Qui sont magnifiques.
Même s’ils font de la buée sur les lunettes.
Tellement que j’y vois rien quand je sors avec.
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Alors quand je regarde les articles sur les prix, j’hallucine.
Je lis « le prix des masques est environ de 0,10 centimes pour un masque en papier et 0,30 centimes pour un masque en tissus. »
Ce n’est pas possible.
Je lis aussi que le prix des masques ne devra en aucun cas dépasser 0,95 centimes pour un masque en papier et 2 à 3 euros pour un masque en tissus.
Eh ho ! Les gars ! On atterrit !
Qui peut faire un masque en tissus pour 2 euros ? A part un enfant de 10 ans sur-exploité dans un pays du tiers-monde. A moins d’utiliser des produits de base de merde. A moins de repartir dans le bizness al usual, délocalisation, exploitation de populations pauvres, pollution, transport maritime qui ne coutent rien, et voilà !
La boucle est bouclée.
Il va falloir qu’on se mette à payer le prix correct pour les choses qu’on produit.
Et à aider ceux qui ont du mal à se payer des masques de qualité, des aliments de qualité, aider les filiales courtes d’alimentation, aider les paysans à produire mieux avec moins de pesticides — au lieu de filer des milliards à Air France. On s’en branle d’Air France, sérieux.
Qu’est-ce que vous allez faire de votre dernière semaine de confinement ?

nos masques homemade
nos masques homemade

J’apprends à ma fille de CP à reconnaitre le chant des oiseaux.
Le Tournesol (le rossignol) avec son chant fluté, le merle, le Coucou qui fait coucou et qui pond ses œufs dans le nid des autres oiseaux — tu te rends compte si j’avais fait pareil, te mettre dans le berceau d’une autre Maman… —, les mésanges, les gais-pieds, les alouettes et tous les autres.
Je lui apprends aussi à décrypter les nuages — période intense de giboulées — et de voir s’ils indiquent la pluie ou pas, si on sera trempé ou pas en fonction de la direction du vent.

J’ai commencé une nouvelle série d’exercice sur scratch et je me prends gravement la tête… pourquoi faire ?

J’ai aussi tendu une perche aux garçons pour savoir s’ils voulaient pas s’avancer sur la liste copieuse de travaux à faire pour ce début de semaine.
— Ouais, non ( à prononcer avec un air traînant qui me défrise)
— Pas tout de suite.
— Pourquoi pas ce soir… (manière de remettre à demain ce qu’ils pourraient faire ici et maintenant, manière de me dire d’aller me faire voir, manière de me signifier de les laisser tranquille)
— Ca veut dire que vous le ferez demain. En plus de tondre le gazon !
— T’inquiète !
Le jardin…
Ils pourraient tondre aujourd’hui. Mais c’est dimanche.
Et en Alsace, le dimanche il est interdit de faire du bruit.
Et c’est bien.
Ici, dans le Sud, tout le monde s’en branle du dimanche. Ca pétarade chez le voisin, ça perce plus loin, ça karcherise là-bas, ça ponce plus haut. Un vrai bordel.
C’est comme ça.
Mais nous, on ne tond pas le dimanche.
Tiens, est-ce qu’on peut faire un lien entre la discipline et le Covid en Alsace ? Entre la différence de mortalité entre le Nord et le Sud de l’Italie, entre les USA et le Mexique ?
Est-ce que le Covid adore l’ordre, l’argent, la rigueur et laisse tranquille les bordéliques, pauvres et menfoutistes de tous poils ?
Excellente question.
Les communautés juives orthodoxes ultrareligieuses sont les plus touchées en Israël et se trouvent obligées de faire appel à l’Etat, suprême déshonneur. Mais là, rien à voir, il s’agit plus d’une certitude religieuse qui devait les protéger en priant.
En tout cas, on a désherbé hier avec ma fille de CP, profitant qu’il ait plu pour que la terre soit humide et que se soit facile de tirer sur les ‘mauvaises’ herbes… Qu’est-ce qu’elles ont de mauvaises ? Encore de la sémantique pour pouvoir se dire : « saloperies de mauvaises herbes, tenez, je vous asperge de Round-up, bien fait pour votre sale gueule », encore une entourloupe de langage pour vendre leur saloperie de glyphosate…
Et bien avec ma fille de CP, on arrache les herbes à la main. Et ce faisant, on les regarde, ces pauvres mauvaises herbe. Y en a qui poussent en touffe. ET quand on les arrache, il y a une foultitude de petits insectes qui s’agitent dans tous les sens. Ces salopes de mauvaises herbes sont donc un abris pour ces insectes nuisibles, rampants degueulasses, odieux et serviles qu’il faut s’empresser d’éliminer.
Y en a qui ont de jolies petites fleurs blanches et bleues, roses, violettes. Y en a qui grattent et qui piquent. Y en a qui sont solides, bien attachées à leur racine solide. D’autres qui s’arrachent facilement – quelle satisfaction de tout arracher sans effort ! Ca fait « propre », place nette.
Y en a qui collent aux habits, ça nous fait marrer.
Et qui collent aux poils du chien.
En tout cas, il y en a pour deux gros sacs de poubelles de 100 litres.
— Ca fait combien 100 + 100 ?
— 200.
— Bravo.
— On en fait quoi, maintenant, de ces herbes ?
Bonne question. On a le choix, 1/ prendre RDV à la déchèterie pour jeter les déchets verts. 2/attendre l’ouverture de la déchèterie. Je botte en touche et descends les 2 sacs dans le garage.
Le garage…
Mon Dieu, l’état du garage…
C’est un autre sujet !
— Est-ce que tu peux me faire des pates ?
Voilà un vrai sujet.
Mon fils de 13 descend de sa caverne.
— Pardon ?
— Tu peux me faire des pates ?
— Tu peux TE faire des pates, tu veux dire ?
Et sans transitions :
— Tu peux me donner 20 euros.
— Non.
— Pour m’acheter un jeu.
— Non.
Et il disparait.
Finalement, il fait des pates avec son frère.
— Il y a du gruyère ?
— Va voir.
— Tu peux pas acheter du gruyère râpé normal ?
On achète du gruyère en bloc, et on le râpe-nous même. On peut bien faire, tout de même, non ?
— Ca fait fonctionner tes muscles.

Ce qu’ils vont faire eux, pendant leur dernière semaine de confinement, je n’en sais rien. Mais moi, eh bien, je vais continuer comme avant !

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

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