Et l’école à la maison ?

Mardi, deuxième jour de la deuxième semaine.

8h30, réveil de ma fille de 7 ans.

Pas trop difficile.

L’idée de retrouver Christine et Laure, ses nouvelles maîtresses de France4 la réjouit. Petit dej avec des céréales et du lait et hop, en place, cahier ouvert, crayon à la main.

Lecture, le son « oi ». Lecture d’un petit texte, mieux qu’hier. Elle s’habitue.

Puis écriture : « Le toit de la cabane est froid ».

Ouille, dur, dur, cafouillage au mot ‘cabane’, perte de contrôle.

—           Ça va trop vite !

Elle reprend pied avec Laure dans la partie calcul. Des dizaines représentées par des boites de 10 œufs, des œufs tous seuls, des calculs, ouille, ouille, ouille. Ça se termine par un calcul pour demain : 48 œufs + 17 œufs.

Pour un deuxième jour, ça pique !

La seule chose que retient ma fille, c’est :

—           Des devoirs pour demain ? Mais c’est pas possible ! Demain c’est mercredi !

Séance intense.

Récupération par 2 parties de Mille Bornes.

Après, tout se complique dramatiquement.

Je laisse les garçons tranquilles parce que se profilent, le programme des 5è sur France 4 à 14h puis la classe à la maison des 3è sur le CNED : un cours de français.

Prudemment, j’enregistre le programme France4. Je connais l’élève.

Mais malgré que ce soit moi – en partie – qui l’ait fait, malgré que ce soit MON fils, que je l’aime, que je le pratique depuis des années, il n’y a rien à faire.

Décrochage au bout de 30 secondes. Je commente, j’essaie de la motiver.

—           C’est barré.

Faut dire que la proposition subordonnée relative expliquée par une prof – certes gentille – mais qui lit ses feuilles à l’écran à un enfant qui ne rêve que de retrouver ses potes ou de finir sa course sur GT6, comment dire, vous m’avez compris ?

On se rattrape avec les maths ? Aie, aie, aie, pas vraiment. Les nombres relatifs positifs et négatifs. Expliqués avec des parcours de golf où des joueurs réussissent leur PAR, le dépassent où l’explosent, comment dire, bof bof.

Décrochage assuré.

Bon, retour au programme ENT.

De l’Anglais ‘some, many, how many, not enough’

Ben justement, pour lui c’est too much.

—           En fait, tu ne comprends rien en Anglais !

Je fais semblant de le découvrir, mais ce n’est pas tout à fait vrai, je le sais depuis longtemps.

Et ben pas de chance pour lui, mon épouse a dégoté des cahiers d’exercices en Anglais de 6è.

Je lui sors et lui pose devant les yeux.

—           Allez, une leçon par jour.

—           Tu déconnes…

—           Je t’interroge ce soir.

—           Tu ne peux pas me faire ça !

—           Et si !

—           Je préfère mourir.

—           Arrête de raconter n’importe quoi, allez zou !

Et pendant ce temps-là, comment ça va du côté de ma classe pour tous ?

C’est la foire totale.

—           On n’entend pas le prof !

On entend en revanche les élèves !

—           Eh monsieur ! Vous êtes là ?

—           Qu’est-ce qu’on doit faire ?

26 élèves connectés. Certains avec leur pseudo tout nickel, nom et prénom, les autres, forcément… coco le rigolo, annabelle la belle, et tous les anagrammes possibles du prof ! Que je ne peux vous reproduire par souci de confidentialité, mais quelle rigolade ! Quelle imagination ces 3è.

—           Ta gueule ! on n’entend rien.

—           Pas de gros mots !

—           Qui parle ?

—           Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qu’il faut faire ?

Derrière tout ça, un faible grésillement de prof, vraiment inaudible. Et des diapos qui passent, et la tension qui monte. Les élèves quittent la salle, reviennent avec des noms de plus en plus sauvages, mon fils se bidonne, snap explose de commentaires, ça bordelise un max.

Et puis un Kenny#4 apparait.

Il joue à Fortnite pendant le cours.

Tout le monde éclate de rire, c’est la poilade générale, les blagues fusent.

Jusqu’à ce que quelqu’un se demande qui est ce fameux Kenny#4.

Et que le prof finisse par jeter l’éponge

« je cesse définitivement les classes virtuelles au motif que certains éléments se comportent de manière déplacée et que d’autres éléments visiblement extérieurs à la classe viennent compromettre de manière intolérable la réussite de cette classe. »

Fin de partie.

Pas sûr qu’ils soient fiers d’eux.

—           Bon, il te reste des maths à faire.

—           Ok.

Et ma fille de presque 17 ans ?

Elle est sous les mers, 1,2 millions de km de câbles sous-marins ont été déployés entre les différents continents et permettent la diffusion des flux d’internet.

—           Tu sais qu’en 2018, en 60 secondes, on compte 1,5 million de titres écoutés, 65 000 photos instagram téléchargées, 243 000 photos Facebook, 400 heures de vidéo YouTube regardées, 3,8 millions de requêtes Google, 156 millions de mails envoyés et 18 000 matchs sur tinder !

C’est un peu too much, non ? Tout ça pour des photos de chats…

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

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