Réflexions autour d’un entretien avec Dominique BOURG du « 1 »,
Philosophe, Professeur honoraire à l’Université de Lausanne
Les économistes nous ont mis dans la tête que la croissance était un rouleau compresseur que rien ne pourrait arrêter, que c’était comme ça.
Mais c’est dans leur monde à eux, un monde où économie, société et Terre sont distinctes. Le virus nous montre que la Terre englobe la société qui englobe l’économie. Un gros problème externe à l’économie peut stopper la croissance. C’est une prise de conscience historique.
D’après les modèles mathématiques — que certains rejettent avec force —, l’épidémie non maîtrisée aurait pu faire jusqu’à 300 000 morts en France, ce qui a incité les dirigeants à tout bloquer.
Il s’agit là d’une notion plus large que de sauvegarder le système hospitalier.
L’État ne peut pas se permettre 300 000 morts.
Le coronavirus est apparu parce que l’humanité extermine le vivant : en diminuant la biodiversité des écosystèmes, on favorise automatiquement la circulation d’agents pathogènes. La destruction de l’habitat d’une chauve-souris rend possible la transmission du virus qu’elle porte. 60% des maladies infectieuses sont des zoonoses, infections transmises par les animaux. Et 75% seraient transmissibles à l’homme. Les amis, faites des stocks de masques !
Qu’est-ce qui détruit la planète ? Principalement le flux des marchandises et des énergies, c’est-à-dire nos richesses matérielles. 10% des plus riches émettent à eux seuls 50% des émissions de gaz à effet de serre. Il faut réduire nos richesses matérielles. Et il si le fait d’être riche détruit la planète, il faut resserrer les écarts de revenus.
Un trajet en avion Le Caire-Seattle dépense autant d’énergie que celle nécessaire à construire les pyramides de Gizeh ! Imaginez le nombre de pyramides que nous construisons chaque jour !
Ce monde est fou, l’humanité délire. Et ce délire nous conduit tout droit vers la mort.
Notre but doit être de sauver l’habitabilité de la Terre et de régénérer la nature.
Nous ne vivrons pas moins bien. Le type de progrès que nous avons aujourd’hui détruit notre planète, notre santé et nos emplois. La croissance amplifie les inégalités de notre société au point de la rendre violente. Comment vouloir continuer ? À quoi bon posséder un iPhone 18 mais subir des chaleurs de 50° à Paris ?
Pourquoi ne pas diminuer les tracteurs et les pesticides dans les champs et augmenter la traction animale à l’aide d’une main-d’œuvre formée ? Il ne s’agit pas d’un retour au moyen-Âge, mais à une société pacifiée qui utilise sa main-d’œuvre sur des sols régénérés. Une société qui respecte ses sols au lieu de les détruire.
Fanfaronnade ? Non rentable ? Prix inabordable ? La facture environnementale de l’utilisation des pesticides sera elle aussi pharaonique. La destruction de l’emploi, de la société n’a pas de prix. La pollution de l’eau est irréversible. La prise en charge des maladies dues à la pollution des sols mettre autrement plus à mal notre système de santé que le virus.
L’agriculture consomme de l’énergie qui ne sera plus disponible et qu’elle n’aura bientôt plus les moyens d’utiliser.
Pourquoi ne pas instaurer des quotas individuels de consommation de ressources naturelles : chacun dispose d’un « quota ressource » qui diminue en fonction des sa manière de vivre. Une telle ‘carte carbone’ a été expérimentée en Suède et en Angleterre.
La sobriété a été expérimentée dans cette période de confinement et nombreux sont ceux qui ont perçu ses bienfaits.
Les milliards donnés pour sauver l’aviation et l’industrie automobile, sans contre partie écologique en dit long sur les priorités gouvernementales : les avions et les bagnoles valent plus que notre santé. La messe est dite.
Mais il existe des pistes.
À nous de nous en emparer.
Le risque est de voir des régimes totalitaires le faire à notre place et nous emmener dans une société où les hommes épuiseront toutes les ressources de la Terre.
Aux premiers signaux donnés par nos dirigeants, commandes de drones, de systèmes de surveillance de plus en plus nombreux et sophistiqués, aux vues des lois qui passent — la loi Avia pour ne citer qu’elle — milliard à l’industrie lourde et polluante, c’est la voie qui nous suivons.
Edwy Plenel de Médiapart répondait récemment à la question « Et maintenant, que faire ? » : Nous emparer des choses, nous mêler des décisions, imposer nos vues et nos choix. Ce qui se joue est NOTRE problème et on voit bien que nous ne pouvons pas faire confiance à nos dirigeants. »
Bon.
Vous savez ce qui nous reste à faire !
Râler et rester en colère ne mènera à rien.
Il nous faut nous relever les manches et y aller !
Qui est là ?
Comment on s’organise ?