Pesticides maudits

14 mai

Je pose ma fille de CP – en retard, la pauvre – en vélo ce matin – avec son énorme cartable sur le dos, pédalant avec difficultés – c’est ça d’avoir un Papa qui essaie de tout faire en même temps ! – et me voilà parti en VTT à travers la campagne verte et boueuse – c’est dingue ce qu’il a encore plu hier ! – heureux, gai comme un pinson.

La campagne est éblouissante de fleurs, de chants d’oiseaux, de cieux gris, de beaux arbres verts, de milliers d’insectes qui vrombissent et viennent se coller à ma peau moite de transpiration – je viens même d’avaler un moucheron ! – de buses au vol lent, de bébés mésanges qui apprennent à voler et de tracteurs qui pulvérisent leurs pesticides de mort.

Les pesticides ici, c’est l’autre face du décor du printemps mirifique et de l’été chaud et agréable. Tu te balades, tu cherches l’odeur des fleurs si nombreuses, l’odeur de la fraîcheur du matin ou de la douceur du soir, tu respires leurs merdes puantes et dangereuses. Tu dors la fenêtre ouverte en été pour accueillir la fraicheur de la nuit, tu inhales leurs saloperies qu’ils balancent la nuit parce qu’il fait moins chaud.

J’ai été le médecin anti pesticide du village. Partout dans mon cabinet, des affiches contre les épandages chimiques. On m’avait dit que j’aurais que des problèmes.  Non. De longues discussions, oui. Mais des problèmes, non.

Personne n’a réussi à me convaincre des bienfaits d’utiliser du poison pour faire du bon vin farci de résidus. Je comprends que c’est plus pratique, que cela économise du personnel, que ça va plus vite, que c’est plus facile. OK. Mais à quel prix ? Je n’ai toujours pas compris qu’on empoisonne 3 millions de riverains et habitants pour que des types puissent à eux seuls exploiter 40 ou 50 hectares de vignes. Pour du vin, produit non indispensable à la vie et à la santé des hommes – je vous rappelle que l’alcool tue 3 millions de personnes dans le monde, 10x plus que le covid et vous pouvez voir les précautions prises…

Viendra le jour où la facture sera immense. Et qui paiera ? Vous et moi, comme d’hab. Notre eau et notre air sont polluées pour les profits – même maigres – de certains. Et c’est nous qui payons l’addition.

Je discute avec un viticulteur sur les dangers de ce qu’il pulvérise à longueur de champs.

—           C’est chez moi, ce n’est pas interdit, je fais ce que je veux!

Vraiment ?

Il n’est pas interdit de réfléchir.

—           Parce que si on va au bout de votre petit raisonnement, puisque que c’est chez vous et que vous faites ce que vous voulez – en l’occurrence balancer du poison cancérigène, parce que c’est ça vos produits, les études sont suffisamment nombreuses, et il n’y a plus que les industries, les politiciens corrompus, les chambres d’agricultures et les viticulteurs pour ne penser que vos produits sont biodégradables – peut être dans l’argent – et bien l’eau salie qui s’infiltre dans vos sols pollués, un jour, il faudra que vous payiez pour dédommager les gens qui en ont bu et qui sont malades. Vous y avez déjà pensé ?

—           C’est la même chose pour vous et vos médicaments.

—           Oui, tout à fait, vous avez raison. A la différence près que pour les antibiotiques par exemple, on sait que les germes y sont de plus en plus résistants. Et qu’il faut absolument restreindre leur utilisation au risque qu’ils deviennent inefficaces. Et bien c’est sur les médecins qu’on met la pression pour prescrire mieux et moins. Et ce sont les médecins qui seront responsables en cas de problème. Pas les labos pharmaceutiques. Ce seront ceux qui auront prescrit. Et un jour, ce sera vous qui serez attaqué pour épandre des produits que vous savez dangereux. Pas l’industrie. Et vous ne pourrez plus vous cacher derrière vos calendriers d’épandage bêtement systématiques. En médecine on ne donc des antibiotiques que quand ils sont indispensables. Vous, dans la vigne, vous avez des produits efficaces. Pourquoi ne les utilisez vous pas uniquement lorsque la vigne est malade ? Vous faites de l’épandage préventif tout en sachant très bien qu’à court terme cela sera inefficace. Et quand la vigne est malade, vous ne savez rien faire d’autre qu’en balancer encore plus. Ça ne plus continuer comme ça. C’est criminel. Pour vous, pour le vin que vous nous proposez, pour le sol, l’eau, la vigne – je me demande comment elle résiste à vos saletés – et pour nous ! Acceptez d’observer le développement de vos vignes, acceptez de perdre un peu de rendement…

—           Bon, en attendant, on n’y est pas.

C’est ça, on y est pas. Advienne que pourra…

—           Et j’ai mal à la gorge.

—           C’est le souffre que vous pulvérisez ! Je plaisante…

—           Vous me donnez un antibiotique ?

—           Je vais vous faire un prélèvement du fond de la gorge.

Ce que je fais, pour distinguer les pharyngites virales 98.5% des cas des pharyngites bactériennes.

—           Le test est négatif. C’est viral. Donc pas d’antibiotique.

—           Moi, il me faut un antibiotique, sinon ça ne passe pas.

—           Ben non, vous ne m’avez pas écouté. Vous n’en avez pas besoin.

—           Moi je vous dis que sans antibiotique, chez moi, ça ne passe pas.

—           Et cette fois, ça passera.

—           Je serai obligé de revenir.

—           Et bien vous reviendrez.

—           C’est à cause de vous que se creuse le déficit de la Sécu, bravo !

—           Non cela s’appelle de l’evidence based medecine, de la médecine basée sur les preuves. Pas comme dans l’agriculture où on traite et on discute après.

Et puis un conseil si ça ne passe pas, sniffe un coup de tes insecticides-fongicides-herbicides, y a rien qui resiste à ça mon poto.

C’est un sujet sensible qui me tient à cœur.

Parce qu’on est trop gentils de ne rien dire.

De se laisser intoxiquer telles des mouches silencieuses.

C’est comme pour l’aiguille de la laborantine. Je vois que c’est une erreur. Une toute petite erreur. C’est la facilité pour elle. Ou parce qu’elle a toujours fait comme ça. Ou parce qu’elle fait ce qu’elle veut elle aussi.

Toute petite erreur aux conséquences qui peuvent être dramatiques et très couteuses.

Et qui paiera ?

Elle ?

Non. Vous.

Je sais, on fait tous des erreurs… Mais il y a des erreurs impardonnables. Il y a des centaines de personnes qui se battent pour chercher, prouver, démontrer, publier, expliquer. Et des milliers d’autres qui font n’importe quoi par facilité, par bêtise, par vanité, par ignorance.

D’ailleurs, avez-vous signé la pétition pour défendre Inès Léraud ?

Vite, vite, Ines fait partie des personnes qui se battent pour vous, pour votre avenir, pour vos plages et votre planète.

Et qui est en train de se faire massacrer par l’industrie agro agro-alimentaire.

https://www.cyberacteurs.org/cyberactions/dynfendonslalibertyndinformersurles-3791html#signsans

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

Cet article a 2 commentaires

  1. Bernard I

    En vin une immense majorité n’est pas bio, nous n’avons pas pour autant la queue dans nos domaines bio et malgré tout nous luttons au quotidien pour exister, pour produire sain, parfois en vain.

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