L’école à la maison à l’école

12 mai.

La rentrée des classes.

L’école à la maison à l’école.

Il parait que c’était très émouvant, les deux maires de mon village étaient là, le maire sortant et le nouveau maire, élu au premier tour de ces fameuses élections maintenues. Élu avec 70% des voix au premier tour face à la liste du maire sortant.

Les deux maires, donc.

Mais je n’en sais rien, nous sommes arrivés en retard, un problème de chaussures devenues subitement totalement introuvables…

Bon. Rien de grave.

Ma fille de CP était très heureuse de retrouver sa maîtresse.

Très heureuse aussi que je vienne la chercher à midi pour manger à la maison.

—           On a appris à se laver les mains d’une autre manière.

—           C’est comment ?

—           D’abord les mains à plat d’un côté, puis de l’autre, et ensuite en tournant dans un sens et dans l’autre et après entourer chaque doigt comme ça.

—           Waouh. Et vous avez compté ?

—           Non, on a chanté « Et tchik et tchak et tchik et tchak haha »

Excellent.

Comme la chanson où on se retrouve tous comme des imbéciles le cul en arrière, les pieds rentrés, les genoux fléchis etc…

—           On a fabriqué un passeport sur lequel on colle des étoiles à chaque fois qu’on s’est bien lavé les mains.

—           Elle a vraiment plein de bonnes idées ta maîtresse, c’est chouette.

—           Je n’ai pas mangé mon goûter.

—           Cool, tu en auras pour cette après-midi.

—           Et j’ai eu les larmes dans les yeux.

—           Ah bon ? Pourquoi ?

—           Parce que ça faisait longtemps que je te voyais et que tu n’étais plus là.

Ma fille me regarde.

Elle a les larmes aux yeux, rien que d’y penser.

Bichette !

—           Mais personne n’a rien vu.

Elle change aussitôt de sujet.

—           Cette après-midi, on a une dictée de mots outils. J’espère que je ne vais pas me tromper.

—           Ce n’est pas grave de se tromper.

On fait un jeu à la fin du déjeuner. Devinez lequel ?

Bingo.

Une partie de Mille Bornes ! Ma fille gagne alors que je n’ai posé que 25 bornes, quelle défaite… À cause d’une panne d’essence et de cette maudite limitation de vitesse à 50 km/h. C’est une malédiction cette limitation. Seule issue, le véhicule prioritaire. Mais non. Je suis resté bloqué.

Puis une partie de mikado géants (les mikados font 40 cm !) qui est restée inachevée, reprise de l’école oblige.

—           J’ai un peu mal au ventre, me confie ma fille.

Mal au ventre = signe d’anxiété.

Qu’est-ce qui la rend anxieuse ?

—           On révise les mots outils ? me demande-t-elle.

—           OK.

Et nous voilà sur le chemin de l’école, épelant « ces », « c’est », « sans », « dans », « tout », « il y a ».

Et voilà, c’est reparti.

—           À tout à l’heure !

Je rentre, je capte mon fils de 13 ans qui sort.

—           Hep !

—           Ah non, tu ne vas pas me reparler de ces maudits devoirs ! Je peux bien passer une journée sans travailler !

—           Y’en a pour 10 minutes max.

—           C’est trop long.

—           Allez viens, tu vas voir.

Je lui parle 3 minutes des mélanges homogènes et hétérogènes.

—           C’est quoi homogène ?

—           C’est ce qu’on doit voir dans la leçon.

Puis 2 minutes de la potabilisation de l’eau.

1 minute de la dissolution d’un sucre dans l’eau.

Et 1 minute de la 2nde partie des nombres relatifs : placer un nombre négatif et un nombre positif sur une abscisse. Bon, pas de quoi casser une patte à un canard.

—           Un canard, ça se dissout dans le calva ? je lui demande.

Il ne comprend pas. Trop petit pour ça ? Non, c’est qu’on ne boit plus de calva. Lui, il se régalerait, j’en suis certain.

Bon.

Et ce déconfinement ?

Faites-vous partie de ces milliers de personnes qui ont pris d’assaut Le Perthus hier pour aller acheter de l’alcool et des cigarettes détaxées ?

Le Perthus est une commune française collée à la frontière espagnole qui profite — je ne sais pas comment — des prix espagnols sur le tabac et l’alcool.

Moi non.

Mais j’ai pas mal rodé. Un passage à la clinique pour une bricole, peu de monde, un passage dans un grand magasin, peu de monde, chez Peugeot pour changer mes pneus neige, là encore peu de monde mais il leur faut garder la voiture 1 jour et demi !??!, un peu plus de monde chez le véto pour des croquettes.

Ce matin, passage à mon ancien cabinet médical, transformé en centre COVID par mes anciens collègues pour un test COVID préop. Plein de monde.

Là, je retrouve mon copain biologiste, qui fait les prélèvements sur le parking.

Il termine un test, une personne patiente devant moi, deux personnes arrivent après moi.

—           C’est quoi tout ces gens ? Ils sont malades ?

—           Non. Ce sont des préop, comme toi. Surtout que dans ce cas, ça ne sert à rien de faire le test, tu le sais ?

—           Oui. Mais ils le demandent.

—           C’est pour les assurances. Si quelqu’un développe le covid en sortant de la clinique, ils gagnent s’ils attaquent.

Il se place devant moi et sort son écouvillon.

Et sourit derrière son masque.

—           Ça fait un peu mal, tu le sais ?

—           J’ai vaguement lu ça, oui.

—           Allez mon grand.

Et bzzzzzz. L’enfoiré, il fait passer l’écouvillon dans les narines, traverse les fosses nasales et va gratter dans le retropharynx.

Comme une longue tige qu’on t’enfoncerait dans le crâne.

Et pouf, il ressort.

Toujours avec ce même sourire.

—           L’autre narine, maintenant !

—           OK. Même pas mal.

Et bzzzzz, l’autre côté.

Tout ça pour rien.

Tout ce bazar qu’il faudra refaire si j’ai un jour des signes d’infection !

—           Y’a des vrais malades ?

—           Oui, deux personnes qui ont de la fièvre depuis hier soir.

Des gens que je connais. Des anciens patients.

—           Oh Docteur, comment allez-vous, ça fait plaisir de vous voir !

Il y a longtemps qu’on ne m’a pas appelé docteur.

On discute un bout.

Puis je passe voir mon ancienne secrétaire, qui se marre :

—           Ça fait mal, hein ?

—           Personne n’a fait de malaise ?

—           Si, un. Et une grosse hémorragie nasale aussi !

L’activité a repris.

Après une baisse très significative.

Et après, passage au supermarché, pas trop de monde, mais beaucoup de gens sans masque, je trouve.

Voilà, la vie sociale qui reprend.

Les rencontres aussi.

C’est sympa.

Chacun commente son confinement.

Et globalement, chacun est content de cette période vécue sur un autre temps, sur un autre rythme. J’entendais la chronique d’Hervé Gardette sur France Culture hier matin : « Profitons de ce temps de déconfinement pour nous réinventer, comme l’avait proposé le Président Macron. ‘’Ré-inventons-nous, moi le premier’’ — avait-il confié lors de son allocution de confinement le 17 mars. Bine, moi, je n’ai rien trouvé pour me ré-inventer. Et vous ? »

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.