Qu’est-ce que vous allez faire de votre dernière semaine de confinement? – 5

Jeudi 7 mai, la campagne est magnifique, explose de 50 000 nuances de verts, on se prépare au dernier week-end prolongé confiné « —Tu te rends compte, ça fait 8 semaines qu’on est confiné, me dit ma fille de presque 17 ans ! Tu m’aurais dit ça au début, j’aurais serré ! »

Hier, j’ai repris pour la première fois ma voiture depuis presque 3 semaines, je suis allé en ville pour la première fois depuis… je ne sais pas. Possiblement 8 semaines !

Moi qui suis bien chez moi, j’ai énormément apprécié cette sortie.

Heureux de sortir, heureux de rentrer, après être allé voir chacun de mes petits coins préférés, un petit bout de forêt rempli de rossignols et de huppes fasciées, une petite route, un calvaire, quelques pas dans une abbaye fraîche et hors du temps, des arbres encore.

Moi qui raillais les naïfs qui croyaient en la date du 11 mai, me voilà comme eux, souhaitant vivement que ça s’arrête, tout en regrettant déjà ces moments au calme, loin du monde et de ses turpitudes, loin des tâches quotidiennes qui s’empilent sans fin.

Comment sera votre jour d’après ?

Pour moi, je me dis, en rédigeant ces lignes, que je devrais me rappeler ces matinées à la maison, écrivant, travaillant avec les enfants.

Ne pas céder aux sirènes de l’extérieur. Lutter contre « faire à tout prix ». Prioriser mes activités. Continuer à me réjouir de me réveiller en me délectant à l’avance de ce que je vais écrire aujourd’hui, mon blog, NOIR, mes autres histoires. Prendre aussi tout ce qui m’éloigne – temporairement – de mes histoires avec bienveillance et patience.

Le jour d’après, c’est aussi la reprise de mon activité professionnelle, après presque 13 mois de pause. C’est comme un deuxième déconfinement.

Sortir de mes deux bulles ultra-protectrices en même temps….

On va dire que je suis comme une chenille dans sa double chrysalide pour utiliser une métaphore printanière ! On va voir ce qui en sort.

Je suis plutôt confiant, serein, tranquille. On pourrait même dire content de tout ça. De tout ce que j’ai mis en place pendant cette pause salvatrice. Réduire mon temps de travail au lieu de l’arrêter complètement. Maintenir une autonomie financière. Garder un statut social qui me protège des questions malveillantes et des doutes exprimés par l’extérieur.

Me voilà bigrement optimiste !

Le tilleul remue doucement et me souffle d’être confiant.

Est-ce que vous écoutez les arbres quand ils vous parlent ? Par le murmure du vent dans leur feuillage. Non ? Vous me prenez pour un fou ?

Détrompez-vous.

Les arbres parlent à nos âmes. Le murmure des feuilles et des branches, le souffle du vent, les odeurs de terre et de forêt s’adressent à nos sens. Message de plénitude apaisante, rassurante, enveloppante comme une maman, d’espoir et de joie.

Essayez, vous verrez.

Les arbres sont simples. Pas de messages alambiqués. Pas de grandes phrases. Un chuchotement de bienveillance sécurisante, réconfortante, réparatrice.

C’est tout.

Et très revigorant pour ceux qui prennent la peine de s’arrêter deux secondes de fermer les yeux, d’écouter, puis de les ouvrir et de voir le soleil à travers les feuilles qui ondulent, mille éclats de jaune et de vert.

Écoutez et vous verrez.

Chiche !

Pourtant, un tracteur qui pulvérise ses poisons chimiques me ramène sur notre pauvre terre qu’on s’acharne à détruire : pourquoi traite-il comme ça ? Il n’a rien compris ? Il est trop con ? Non, c’est trop simple. Il a la pression de sa banque ? De son fournisseur ? De la chambre d’Agriculture ?

Je me dis qu’un agriculteur doit aimer la terre s’il a choisi ce métier. Alors pourquoi il s’entête à la détruire ? La polluer ? La salir ? La tuer ?

Le monde reste une menace sourde. Un monde où l’on a perdu la notion de maladie et de mort. Un monde de déni où chacun poste sur les réseaux les meilleurs moments de sa vie, moments choisis. Comme si les autres n’existaient pas. C’est de la pensée positive poussée à l’extrême.

Moi je m’aperçois — au moment du déconfinement qui approche —, que je suis bien à la maison avec les enfants — même si ça clash. Que je suis bien chez moi, protégé du monde, à écrire, et me balader.

Mon épouse me raconte que les enfants qui souffrent d’anxiété sociale — pas de phobie sociale, c’est différent — n’ont jamais été aussi bien que pendant cette période de confinement.

Le confinement apaise l’anxiété sociale.

« Le Trouble Anxiété Social (TAS) se caractérise par une peur excessive
d’une ou de plusieurs situations sociales. Les situations redoutées sont

soit des situations d’interaction sociale : être en public, manger en public, être en désaccord avec quelqu’un, parler à une personne incarnant l’autorité…

soit des situations de performance : faire un discours, entretien d’embauche, parler en public…

Les interactions formelles sont plus angoissantes que les situations informelles.
La personne craint d’être l’objet de l’attention des autres, d’être évaluée et mal jugée. Elle a également peur que son malaise se remarque (par exemple lors de rougissements) et fasse l’objet de moqueries. »

Anxiété sociale avec son corollaire : image de soi, ce que pensent les autres de moi. Est-ce ça qui m’a empêché de dire à la technicienne hier de ne décapuchonner son aiguille au dernier moment ? La crainte d’être pris pour un emmerdeur, un râleur ? Et au contraire de passer pour un mec cool, sympa.

Bon.

Je ne suis pas encore en Réa pour une septicémie généralisée, tout va bien.

OK.

Un qui parle un peu plus fort, c’est Nicolas Hulot. Je ne sais pas trop quoi penser de lui ni de sa fondation soutenue par AREVA, TOTAL, EDF et RHÔNE POULLENC — extrêmement, louche pour un écolo.

Je ne sais pas quoi penser de lui, mais à chaque fois que je l’entends parler, j’ai envie de croire en lui. J’aime sa manière de parler, sa manière de voir les choses.

Je l’ai entendu quelques minutes sur France Inter hier matin ( en allant faire ma prise de sang !). Il se faisait dézinguer par les auditeurs.

—               Vous nous donnez beaucoup de leçons, vous tirez à boulets rouges sur tout, mais je vous rappelle que vous étiez aux manettes il y a 2 ans. C’est quand vous y étiez qu’il fallait parler, maintenant, taisez-vous. Vous êtes un démissionnaire !

—               Votre intervention me blesse, mais laissez-moi vous répondre. Je vais être obligé de vous expliquer ce qui s’est réellement passé. J’ai compris que ça allait être difficile alors j’ai écrit noir sur blanc les 10 propositions sur lesquelles je voulais des engagements. Je n’ai pas obtenu satisfaction. J’ai donc démissionné dès le lendemain. Pour moi, rester 24h de plus, c’était avouer que je coopérais, c’était accepter la responsabilité que rien ne se passe.

Bien répondu.

—               Ne pensez-vous pas qu’il est temps de supprimer les contraintes environnementales qui sont des boulets à la reprise de l’activité des entreprises ? Par exemple, supprimer les taxes malus sur les automobiles, pour soutenir l’achat de voiture.

J’entends : « supprimer le malus pour qu’enfin je puisse me payer un 4×4 »

Il y a donc encore des gens en 2020 pour penser qu’il faut tout abandonner pour relancer la machine à fond… j’en suis stupéfait.

—               Non, pas du tout, bien au contraire. Lâcher la bride sur l’environnement, c’est faire l’inverse du bon sens. Il faut dès à présent investir massivement sur les économies d’énergies, sur les énergies renouvelables, sur l’autonomie énergétique et voir grand, pour quoi un avion Airbus à batterie électrique !

Il est bon, il répond bien.

Mais si ces deux réactions – et Nicolas Demorand insiste à plusieurs reprises sur le nombre impressionnant de réactions de ce type au standard — sont si présentes dans les esprits du public, le chemin est encore long à parcourir, hein Nicolas ?

Bon. Merci d’être là et de poursuivre le combat.

Ce matin dans le monde, tes 100 propositions pour « un monde nouveau », le temps est venu, ensemble, de poser les premières pierres d’un monde nouveau.

1. Le temps est venu, ensemble, de poser les premières pierres d’un Nouveau Monde.

2. Le temps est venu detranscender la peur en espoir.

3. Le temps est venu pour une nouvelle façon de penser.

4. Le temps est venu de la lucidité.

5. Le temps est venu de dresser un horizon commun.

6 . Le temps est venu de ne plus sacrifier le futur au présent.

7. Le temps est venu de résister à la fatalité.

8. Le temps est venu de ne plus laisser l’avenir décider à notre place.

9. Le temps est venu de ne plus se mentir.

10. Le temps est venu de réanimer notre humanité.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/06/les-100-principes-de-nicolas-hulot-pour-un-nouveau-monde_6038802_3232.html

Et hier, dans Le Monde également, toujours Nicolas Hulot :

« Le monde d’après sera radicalement différent de celui d’aujourd’hui, et il le sera de gré ou de force »

« Cette crise sanitaire, qui trouve ses racines dans des perturbations d’écosystème, n’est que l’avatar d’une crise beaucoup plus profonde, qui met en relief nos failles, nos excès, nos vulnérabilités. Le Covid-19 met à nu les affres de la mondialisation et les limites d’un modèle. Tout est lié : crise économique, écologique, sociale. »

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/06/nicolas-hulot-le-monde-d-apres-sera-radicalement-different-de-celui-d-aujourd-hui-et-il-le-sera-de-gre-ou-de-force_6038803_3244.html

Bises, No pasaram

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

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