Qu’est-ce que vous allez faire demain ?

Dimanche 10 mai

Ça y est, on y est !

Qu’est-ce que vous allez faire demain ?

Est-ce que vous mettez vos enfants à l’école ?

Chez nous, même si j’ai été le premier à les retirer, dès le mercredi 11 mars, soit 48h avant l’allocution de Macron, ma fille de CP et mon fils de 13 ans y retournent.

Le rôle social de l’école me parait essentiel.

Surtout pour ma fille qui se complait dans une relation exclusive avec moi. Et pour mon fils qui ne travaille pas.

Pourquoi si peu de parents remettent leurs enfants à l’école ?

Mon épouse explique que les enfants anxieux sont bien chez eux et que les parents ne souhaitent pas rompre cet équilibre. Je peux le comprendre. Et que cette période de confinement se passe aussi très bien pour les enfants en difficultés scolaires, qui sont à la maison, rivés sur leurs écrans parce que les parents ont lâché la pression du travail à rendre. La paix est revenue, avec un semblant d’harmonie et les parents ne souhaitent pas rompre cet équilibre.

Je les comprends.

Mais les autres ?

L’immense majorité des autres ?

Ils ont peur.

Je ne regarde pas du tout la télé, je n’écoute aucun journal à la radio. Je m’informe essentiellement par Le Monde, plus quelques articles qui passent sur les réseaux et qui m’intéressent. Je me programme des infos à la carte. Je ne sais donc pas ce qui ne se dit ni à la télé ni à la radio.

Mais je constate que les gens ont peur.

On leur a foutu la trouille il y a 2 mois avec cette menace virale, avalanche de chiffres terrifiants, déclarations de guerre et mise en ordre de bataille. On leur fout la trouille avec ce train de mesures complexes qui vont être mises en place dans les écoles, les transports, les magasins.

Je comprends qu’ils n’aient pas envie de sortir.

Est-ce qu’on leur a expliqué que la circulation virale est très très faible actuellement – sans doute grâce au confinement ?

Est-ce qu’on leur a expliqué que toutes ces mesures sont destinées à freiner la progression de la circulation virale au moment où les gens vont eux aussi recirculer ? Et non pas parce que les gens sont des menaces ?

Est-ce qu’on a pris la peine d’expliquer que la première bataille – celle de la propagation non contrôlée – contre le virus est probablement gagnée ? Et qu’on peut raisonnablement reprendre une vie qui s’approche de la normale ?

Je ne sais pas.

J’en ai pas l’impression.

Et que je pense sincèrement que mes enfants ne risquent rien à l’école.

Mais la peur est là.

Pourtant, la peur ne les empêche pas d’aller s’entasser dans les grandes surfaces…

Vous êtes allé faire des courses samedi 2 mai ? Samedi 9 mai ? Moi non, mais les témoignages sont impressionnants : jamais vu autant de monde aux caisses !

Alors ? De quoi ont-ils peur ?

Une peur abstraite a la télé et la vie normale qui continue autour de soi.

Ici, personne n’est malade. Personne ne connait de personne malade dans son entourage. Contrairement à l’Alsace où tout le monde a un proche qui est passé par la Réa ou qui est décédé.

La menace est donc abstraite.

Puis circulent tellement de blagues et de commentaires septiques sur les réseaux…

Comment se faire une idée la plus juste ?

Il faut passer du temps à lire, écouter, réfléchir, regarder.

Ne pas regarder la télé. C’est interdit. BFM est une arme de destruction massive de libre arbitre. Manipulant l’émotionnel à longueur d’antenne, ce type de média vous bouffe le cerveau et vous empêche d’accéder a votre pensée rationnelle, à la partie de votre cerveau qui pourrait vous aider à prendre du recul avec les émotions qui vous agitent, à la partie de vous même où se forge votre esprit critique.

L’esprit critique a besoin de calme et de temps pour se développer. Ce temps dont vous privent tous les médias audiovisuels en manipulant la peur, l’anxiété, le danger, les menaces…

Comment fonctionne notre cerveau ?

Notre cerveau aime le plaisir.

Le plaisir est une réaction chimique de laquelle découle une sécrétion de DOPAMINE.

La Dopamine, l’hormone du plaisir.

Cette hormone est sécrétée au niveau d’une zone appelée le STRIATUM, très vieille partie cérébrale. Les 5 situations qui excitent le striatum sont :

1- l’alimentation

2- le sexe

3- le statut social

4- la recherche d’informations

5- la satisfaction du moindre effort.

Ce qui pourrait expliquer pourquoi une partie de la population va pouvoir interrompre la réaction chimique qui engendre l’anxiété par la sécrétion de dopamine en se ruant au supermarché remplir son caddie jusqu’à l’excès, ce qui expliquerait les grignotages incessants en période de stress.

Ce qui explique aussi notre boulimie d’information. Tout le temps, collés à nos écrans, à lire des articles, regarder des émissions, écouter des infos, des chroniques, des commentaires… Boulimie d’information, peut de rater quelque chose.

Développé il y a 300 000 années afin de guetter le moindre renseignement sur son environnement – à cette époque les informations sont rares et discrètes – la collecte d’information se fait au service de sa survie, présence d’une proie, d’un ennemi, recherche de nourriture, survie immédiate. Notre striatum d’homme et de femme du XXIe siècle est archi gavé d’infos.

Mais le cerveau réclame toujours plus.

Toujours plus de Dopamine.

Toujours plus de nourriture, de sexe, de sport, d’infos.

Là-dessus est installé le CORTEX, vulgairement la ‘matière grise’, fine couche qui recouvre le cerveau – telle la peau de l’orange. Le cortex est le lieu de l’organisation des pensées complexes. La parole, la lecture, l’élaboration de la volonté, la construction de projets et la possibilité de collaboration entre personne, la réflexion, la possibilité de synthétiser, de comprendre et de transmettre.

Quand une information nous arrive, elle passe par l’amygdale, autre zone préhistorique de notre cerveau. Soit l’émotion est trop forte et elle déclenche des actions ou réactions immédiates : frapper si on est vexé ou humilié, se venger, se sauver, voter RN, … dans ce cas le passage des infos par le cortex est shunté. C’est le mécanisme recherché par la pub quand on vous présente des images de bonbons et glaces avant le film de 21h. But : vous inciter subtilement à vous lever pour ouvrir le frigo. Message : vous serez tellement mieux devant le film si en plus vous grignotez telle bonne saloperie sucrée ou telle autre glacée ! Dopamine, dopamine, dopamine…

Pour qu’une info ait la possibilité d’atteindre les zones cortiquées – corticales – encore faut-il donc que l’amygdale les laisse passer !

Et bien, figurez-vous que cela s’acquiert. Que cela se muscle. Que cela s’entretient. Au prix d’un effort. Et que – rappelez-vous – l’effort (point n°5 ) ne déclenche pas de sécrétion de dopamine. Effort de lecture, de croisement des infos, de calme, de temps, de sommeil, de discussion, d’humilité, d’humour, de remises en question…

L’émotion rapporte donc gros. Au cerveau en termes de dopamine. Au système en termes de bizness.

L’effort, lui, ne rapporte rien. Rien d’immédiat en tout cas. Car il peut rapporter en satisfaction d’avoir réussi, gratification, confiance en soi, etc… bien entendu. Mais plus tard.

Et c’est là que retombe sur mes pattes.

Deux types de réseaux cérébraux fonctionnent en parallèle. Un réseau de collecte d’info exogène, la télévision et les vidéos débiles de YT et consorts et un réseau de collecte endogène, nourri principalement d’observations, de lectures, de pensées et réflexions. Le premier est rapide et le second lent. Le premier aime l’agitation, est excité par les couleurs, le mouvement, le goût de la nouveauté – ce que le marketing connaît par cœur et nous sert à toutes les sauces -, le sensationnel. Le second a besoin de temps et de calme, processus plus complexe, qui échafaude, tâtonne, propose, recule.

Vous comprenez donc ce qui se joue au moment du journal de 20h à la télé, après un couloir du pub qui vous a donné des tas d’envies, place à l’info qui doit vous faire trembler pour vous capturer et vous garder otage jusqu’à la fin, jusqu’au prochain tunnel de pub – le temps de cerveau disponible de Patrick Le Lay ! Même la météo nous est servie sur un mode de suspense insoutenable, au rythme effréné des températures, prévisions de perturbations et coups de vent, autant de nouvelles menaces qui viennent assombrir l’horizon déjà chargé.

Pendant ce temps, on vous a fait peur, on vous a inquiété, stressé, préoccupé. Rarement rassuré.

Voilà pourquoi – selon moi, et uniquement selon moi – la majorité des parents garderont demain leurs enfants chez eux.

Ils ont perdu la bataille de l’information.

Mais bonne nouvelle !

Un peu de lecture quotidienne, un peu de temps passé loin de son téléphone et de BFM chaque jour, un temps de discussion entre époux, enfants, amis, collègue – un temps d’écoute et de partage, pas un temps où l’on cherche à imposer ses idées – de calme, de repos, pourquoi pas une balade et hop, le cortex réapparaît, heureux de faire son job.

Le cerveau se muscle et s’entraîne à penser comme l’organisme s’entraîne à l’effort !

Pensez-y !

Parce que demain, on replonge dans le grand bain ! Sans brassard !

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Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

La publication a un commentaire

  1. MARCEL

    Bonjour Mathieu (je me permets de vous appeler par votre prénom)
    Déjà, je tiens à vous remercier pour votre blog que je lis quasiment depuis le début. Vos publications quotidiennes ont fait que c’est devenu partie prenante de mes petits rituels de mise au « télétravail » à l’ordinateur. Je ne vous connais pas, mais je suis tombée par hasard sur un dessin humoristique (le dessin avec fortnite) via la page facebook d’un ami, qui m’a amenée vers votre blog. Mon conjoint et moi ayant dû nous-mêmes faire l’école à la maison à nos trois enfants (5, 8 et 11), avec toutes les difficultés (pour ne pas dire plus ;)) que cela comporte, je me suis reconnue dans beaucoup de vos expériences et de vos réflexions, qu’elles concernent les enfants ou bien plus largement la crise d’ailleurs. Donc vraiment MERCI ! 🙂
    Je prends toutefois ma plus belle plume électronique aujourd’hui, car je ne suis pas entièrement d’accord avec l’analyse que vous faites du peu de parents prêts à remettre leur progéniture à l’école. En ce qui nous concerne, nous ne nous sommes pas portés « volontaires » pour le retour à l’école (le collège restant de toute façon fermé, nous sommes dans le « rouge »), non pas par peur de la contagion mais par rejet du protocole sanitaire délirant qu’on veut imposer aux enfants, surtout en maternelle où il va complètement à l’encontre des objectifs de ce qu’on essaie de transmettre aux enfants… (prêter, échanger, partager, etc. etc.). Je suis proche de ce qu’explique la prof de maternelle dans cette excellente émission d’Arrêts sur image en accès gratuit : https://www.arretsurimages.net/emissions/arret-sur-images/reouverture-des-ecoles-le-11-mai-je-nirai-pas

    Par ailleurs, je dis que nous n’étions pas « volontaires » pour ce retour à l’école dans ces conditions de distanciation-maximale-pédagogie-minimale (qui d’ailleurs se sont durcies par rapport au système de garderie des enfants de soignants, me racontait une enseignante qui y participait, et qui y avait le « droit » de s’approcher des enfants…), mais entre temps, nous avons de toute manière appris que notre école ne rouvrait que partiellement (c’est plus honnête dit comme ça) et uniquement pour les enfants de niveaux prioritaires (GS, CP, CM2) et pour les enfants de parents participant à la gestion de la crise ou étant dans l’impossibilité de télétravailler tous les deux… Bref, nos enfants n’auraient pas pu, de toute manière, retourner à l’école. Cela ne contredit pas votre analyse des motivations de bien des parents sans doute (j’en connais aussi qui pensent ce que vous expliquez), mais cela ajoute d’autres explications possibles….
    Au plaisir de continuer à vous lire même si nous entrons dans une nouvelle période où vous serez, si j’ai bien compris, moins disponible pour l’écriture.
    Cordialement,
    Caroline

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