—QUINZE—

Remarque préalable. Je me suis trompé de blog!

Mais comme -15- est là, permettez-moi de vous présenter NOIR, un roman que j’ai écrit récemment et dont je publie un chapitre tous les jours pendant cette période étrange de confinement. NOIR est un DRAME POLICIER où les apparences sont forcément trompeuses, où bien entendu personne ne va dans la bonne direction, où toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire et où la colère – encore elle – amène à des choix difficiles et inévitablement douloureux.

Voici donc – QUINZE -, le quinzième chapitre du roman NOIR.

Bonne lecture.

On donne tout, on ne lâche rien – David

retrouvez le reste du texte sur http://noir.vasyraconte.fr/


—          Voilà les filles !

Solenn met le point final à l’article.

Elle relit à haute voix.

Elaine et Julie l’écoutent.

—          OK, dit Julie.

—          C’est exactement ça, conclut Elaine.

—          Vous êtes toujours partantes ? demande Solenn.

—          Oui.

—          Vous savez qu’on risque de gros ennuis ?

—          Oui, dit Elaine.

—          C’est pour ça qu’on se bat, annonce Julie. C’est pour ça qu’on écrit. C’est pour ça qu’on bosse ensemble. Pour dénoncer les agissements de tous ces lobbys qui avancent dans l’ombre.

Elles se tapent dans les mains toutes les trois.

—          Je lutterai jusqu’à la mort contre ceux qui tentent de nous priver de notre liberté.

Solenn lève le doigt en l’air, se met en position d’appuyer sur LE bouton.

—          Vas-y !

—          Feu !

Elle enfonce la touche ENTRÉE.

—          Et voilà.

L’article est adressé à tous les réseaux sociaux et au blog du Lycée. Et sera publié dans une édition spéciale du Journal du Lycée. ‘L’avortement est un droit pour les femmes.’ Ne laissons pas certains groupes le remettre en cause.

Le journal reprend l’histoire de l’IVG, le combat de toutes les femmes pour avorter en toute sécurité, Simone Veil, de nombreux témoignage de femmes. Un long travail de rédaction. Et puis la méticuleuse recherche de celles et ceux qui luttent contre l’avortement. Les mouvements anti-IVG des États-Unis, leurs ramifications en France, le travail de sape organisé par les mouvements d’extrême droite et maintenant les associations cachées qui jouent de manipulation et de désinformation.

—          Bon boulot les filles.

Solenn s’étire.

Elle a passé une grosse partie de la nuit sur l’article. Elle est crevée.

-—             J’ai une autre info, sort alors Julie.

Solenn voit que son amie hésite.

—          Vas-y, dit Elaine.

—          C’est Mylène.

Solenn craint le pire.

—          Quoi Mylène ?

—          Elle m’a confié un sale truc. Je ne sais pas si vous allez me suivre sur ce coup.

—          C’est quoi ces mystères ?

—          Elle subit du harcèlement sexuel par le Proviseur, dit Julie.

—          Du harcèlement ?

—          Ce matin, pour la deuxième fois, elle est convoquée chez le Proviseur. Pour un motif foireux. Il l’a coincée contre le mur et a posé ses mains sur elle. Sur sa poitrine. Sur ces cuisses. Et les deux fois, il a essayé de l’embrasser.

—          C’est grave.

—          Et comment.

—          Mylène est fiable ?

-—         Rappelez-vous notre devise, dit Julie. Prendre au sérieux tous les témoignages de femmes. On les écoute, on les encourage à se confier. Et seulement dans un deuxième temps, on vérifie, on recoupe, on regarde si ça peut être crédible.

Malgré ça, elles pensent toutes la même chose. Mylène est petite et grassouillette, pas très sûre d’elle, effacée, plutôt complexée. On ne lui connait pas de petit copain. Elle a des notes moyennes. Rien qui la fasse sortir du lot. Alors pourquoi le Proviseur la harcèlerait.

—          C’est typique des pervers narcissiques, dit Julie. Trouver une victime fragile et jouer avec elle.

—          Et tu es spécialiste en pervers narcissiques ? demande Solenn.

Julie la carbonise du regard.

Elaine ne dit rien.

Solenn reprend aussitôt la parole :

—          La première question est donc : le Proviseur a-t-il le profil d’un pervers narcissique ?

—          Je m’en occupe, dit Elaine. Je n’aime pas trop ce terrain.

—          Moi non plus, ajoute Julie. Mais ce genre de harcèlement se termine en suicide. Qu’est-ce qu’on fait ?

Elles ne savent pas.

—          C’est super dangereux.

—          Oui, c’est l’action la plus risquée qu’on ait jamais faite. On n’est pas obligée de se décider tout de suite.

—          OK.

Solenn regarde sa montre.

C’est l’heure à laquelle Noah et Thomas sortent de leur colle.

—          On se tient au courant. Je file.

Et elle se dirige vers le Lycée.

Julie ne changera jamais. Elle a fond. Tout le temps. Pas de pause. Je me demande ce qui la pousse comme ça ? Qu’est-ce qu’elle a vécu pour être aussi à vif ?

Au moment où elle arrive sur l’esplanade, elle aperçoit David et Adèle qui s’éloignent. Noah et Thomas discutent.

—          Hey ! Solenn ! s’écrie Noah. Cool d’être venue.

—          Alors, ce coloriage de mur ?

—          Regarde.

Il lui montre une photo qu’il a prise avec son téléphone.

—          On ne voit pas très bien, mais on a mélangé de la terre avec la peinture blanche.

—          Bien joué, le doigt ! s’enflamme Solenn.

—           Keller ?

—          Ce gros nase n’y a vu que du feu.

Elle les attrape chacun par un bras et les attire à elle.

—          Qu’est-ce qu’on fait ? On va où ?

—          Mon père n’est pas là ce soir. Vous passez à la maison ?

—          OK.

Thomas habite une grande bâtisse moderne qui domine la ville. Ils s’y rendent à pied, tranquillement, Solenn solidement accrochée aux les deux garçons. Arrivés au milieu de la côte raide qui mène à la maison, ils reprennent leur souffle, regardent le fleuve un peu plus bas.

—          Tu montes souvent à pied ? demande la jeune fille.

—          Non, je prends le bus.

—          Flemmard !

Encore un virage en épingle à cheveux et ils atteignent le large portail en métal gris ferme l’entrée.

—          Attention !

Thomas pose sa main sur une plaque en verre. Une lumière bleue clignote et le portail s’ouvre.

—          Pas mal, dit Solenn, peu impressionnée par la technologie. J’ai une clef pour rentrer chez moi, ça marche aussi.

—          Oui, mais tu n’es pas comme Thomas qui perd sans cesse ses clefs.

Ils traversent un vaste jardin, longent la piscine et entrent. Thomas les emmène dans la cuisine.

—          Un goûter ?

Il leur sert du jus d’orange, coupe du pain brioché, sort de la pâte à tartiner.

—          Il y a aussi du lait et du fromage.

Noah choisit de la musique sur son smartphone et ils se rassasient joyeusement.

Ils passent ensuite au salon.

Noah connait bien la maison et s’assied directement au piano, chante sa nouvelle chanson. Solenn l’écoute, attentivement. Des frissons lui parcourent la peau quand il reprend le refrain. Thomas est venu contre elle et écoute lui aussi.

—          Alors ?

—          Elle est magnifique, j’adore !

Il reste au piano pendant que Thomas et Solenn attaquent une partie de billard. Thomas est très fort. Solenn, un peu moins.

—          Je t’assure, tu te débrouilles pas mal.

Il passe derrière elle et corrige sa position, une main sur son épaule et la seconde sur le creux de son dos.

—          Voilà, comme ça, constate-t-il, satisfait.

Noah les rejoint. On voit que Noah et Thomas jouent souvent ensemble. Ils anticipent les coups l’un de l’autre, se contrent, se congratulent et se cherchent.

La nuit tombe.

Noah leur montre une photo. C’est un mur blanc contre la Halle du marché.

—          Il vient d’être repeint. Très bien exposé. C’est l’endroit idéal.

Il prend une feuille de papier et un crayon.

—          On peut utiliser tout l’espace. Le mur, le sol, les poteaux, les dalles de pierre.

Il griffonne son idée et ajoute des couleurs. Un visage de femme défragmenté, qui explose en multitude de teintes, image de la femme dans la cité, dans la société, modèle, fantasme, dénigrée, humiliée, bâillonnée, mutilée, massacrée.

Une image contenant graffiti, tatouage  Description générée automatiquement

—          Waouh ! C’est génial, s’exclame Solenn.

—          Ça a de la gueule, dit Thomas. Combien d’heures là-dessus ?

—          Si on s’y met à trois, j’ai compté au moins quatre heures. On peut s’y coller après-demain, vendredi dans la nuit de 2 à 6h. Partants ?

—          C’est risqué, mais ça me plait, annonce Thomas.

—          Moi aussi, ajoute Solenn.

—          Il y a du champagne au frigo, ça vous tente ?

Ils descendent la bouteille tranquillement, en écoutant du rap, en grignotant des chips, en préparant leur projet de graff, jouant aux cartes, bavardant gaiement. Puis, passablement ivre, Solenn va s’affaler sur le canapé. Les deux garçons viennent s’installer contre elle, chacun d’un côté.

Elle soupire d’aise et attrape ses deux amis par le cou.

Noah pose sa main sur le ventre de Solenn, le morceau de rap qui passe est son préféré.

Surtout dansez, dansez vos cheveux, dansez vos épaules

À faire trembler le sol, les barreaux, la porte de la cage

Sans jamais être esclaves des drogues ou des alcools

Que le chant, que la danse soit le vaccin de vos rages

Chantez, chantez, chantez, chantez!

Allez-y!
Dansez, dansez, dansez, dansez, dansez!

La soirée est tellement dense

La chance, la chance, la chance!

Ce sale temps qui passe

C’est la mentalité des souvenirs

Donc prenez le temps de rattraper ceux qui veulent fuir

N’oubliez pas combien certains regards nous ont tués sur le moment

Appréciez les minutes à réfléchir sur des bancs

Moi à chacun de mes réveils je donne tout, vraiment tout et le reste

Mon t-shirt, ma veste, mes sons, mes rimes

J’m’en donne la peine (1)

Solenn se tourne vers Thomas, le visage tendu vers lui, les yeux dans les siens et entrouvre la bouche. Thomas cherche ses lèvres, les trouve et ils échangent un long baiser. La main de Noah remonte sous son pull fin vers ses seins, il enfonce le nez dans son cou, respire son parfum et vient se caler contre son dos. Il sent le bassin de Solenn onduler, appel puissant au plaisir.  Il sent aussi la main de Solenn se poser sur sa tête et le pousser vers le bas, vers son ventre, vers ses cuisses.

Noah se laisse guider avec envie entre ses jambes. Elle ouvre alors son pantalon et le baisse, lui libérant l’accès vers elle. Noah la cherche, trouve ses lèvres secrètes et humides, les embrasse et y pose la langue. Solenn lui montre que c’est ce qu’elle veut et qu’il continue comme ça. Elle serre Thomas contre elle et descend la main le long de son torse, son ventre, vers son sexe tendu vers elle.

Les deux garçons se laissent guider, Solenn aime jouer avec eux, avec leurs sens, se réjouit de leurs mains, de leurs caresses. C’est la bouche de Noah qu’elle embrasse maintenant, en même temps qu’elle aiguille Thomas en elle. Thomas qui vient en elle alors qu’elle sourit à Noah. Puis c’est au tour de Noah. Elle l’accueille dans un profond soupir en souriant à Thomas, les yeux brillants.

Ils restent ensuite un long moment silencieux, essoufflés, à écouter le rap, entremêlés, heureux.

Et Thomas roule un joint qu’ils fument à tour de rôle. Surtout Thomas d’ailleurs. Et il s’endort.

Noah allume la télévision. Ils tombent sur ‘La vie d’Adèle’ et ses longues scènes d’amour. Léa Seydoux, les cheveux bleus, souriant sans cesse. Les yeux gourmands d’Adèle Exarchopoulos.

Solenn vient se lover contre Noah.

–   J’ai encore envie, lui murmure-t-elle à l’oreille.

(1) Ici-bas

Georgio-Hera

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

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