Côte à combien?

J-26 avant le 11 mai — il n’y a que les naïfs qui croient ce qu’on dit à la télé

Aujourd’hui, date historique.

La carrière de mon fils de 15 ans commence !

Le facteur nous apporte la tondeuse qu’on a commandée il y plusieurs semaines !

—              Ah, Papa, dès qu’elle est chargée, je te fais ta coupe !

Des étoiles dans les yeux.

C’est génial.

—              Maman, tu vas redevenir amoureuse de Papa, avec sa nouvelle coupe, c’est garanti !

—              Merci mon fils !

—              Tu me fais confiance, hein Papa ?

—              Oui.

Je me dis que je ne prends pas trop de risque, qu’il ne peut pas me massacrer avec une tondeuse.

Mon fils de 15 ans veut aussi couper mon fils de 13 ans. Qui lui-même coupera son frère.

On verra plus tard que ce ne sera pas possible…

—              Je te fais le dégradé américain.

Le dégradé américain est un dégradé à blanc !

—              Pour moi, pas question ! je précise.

—              T’inquiètes Papa, je maîtrise.

Bon.

La tondeuse charge.

Et en attendant, nous déjeunons.

Des patates au beurre.

—              Côte à combien tu m’épluches ma patate, lance mon fils de 15 ans à celui de 13 ans.

—              À quatre.

—              Un, deux ,trois…. Trois !

—              Quatre !

(Le but est de parler en même temps, ce que je ne peux pas retranscrire autrement que : « Trois/quatre ! »)

—              Aahhh !

—              Reverse !

—              Deux/deux !

—              Ahhhh nooon !

—              Yeeeessss !

Vous avez suivi ?

Qui épluche la patate de qui ?

Allez, un effort !

—              Et toi Papa, côte à combien que tu m’épluches ma patate ?

—              Six.

—              Ohhhh !

—              Allez, un, deux, trois….

—              Quatre/trois.

—              Reverse !

—              Un, deux, trois, …

—              Deux/trois !

Et là ?

Qui épluche quoi ?

—              Ouf ! dit mon fils de 15 ans. Je n’ai pas trois patates à éplucher !

Je reprends, un peu plus lentement.

Le principe est de déterminer un ensemble €1 constitué de nombres entiers compris entre 0 et X, X € N, X≠0, X étant établi en fonction de l’enjeu. Plus l’enjeu est difficile, plus X peut être haut.

Le but est que chaque participant choisisse un nombre dans cet ensemble €1 et que ce nombre soit différent. Si le nombre est égal, celui qui lance le défi a perdu.

Dans le premier exemple, mon fils de 13 ans choisit « cote à 4 », ce qui est assez bas, et augmente les chances de donner même chiffre. Mais l’enjeu étant assez faible, ça pimente le jeu.

Mon fils de 15 ans annonce 4 et mon fils de 13 ans annonce 3.

Le défi est perdu pour mon fils de 15ans.

Mais mon fils de 13 ans annonce : reverse !

Il renvoie le défi au lanceur.

Ce qui divise l’ensemble €1 en deux, c’est-à-dire €2, compris entre 0 et 2.

On n’a toujours pas le droit de dire 0.

Mes deux fils disent « Deux », donc le défi est gagné pour celui qui renvoie.

C’est-à-dire, en clair, que mon fils de 15 ans a lancé le défi de faire éplucher sa patate à mon fils de 13 ans. Le défi a échoué parce que les nombres annoncés différaient. Mais mon fils de 13 ans a renvoyé le défi. Et il a gagné parce que les deux nombres annoncés étaient identiques.

Quant au défi que mon fils m’a lancé, il est nul dans sa première phase et nul dans la seconde phase en raison des nombres annoncés différents.

Je ne sais pas si vous avez suivi, mais mon fils de 15 a donc épluché sa patate, celle de son frère, mais pas la mienne.

Capito ?

—              La tondeuse est chargée ! s’exclame mon fils de 15 ans. Allez, Papa !

Tout le monde s’attroupe.

On est tous impatients.

Tous ?

—              Tu n’es pas inquiet, Papa ?

—              Euh, non, ça va.

Premier débat : est-ce qu’on mouille les cheveux avant ?

—              Ben non, ça ne sert à rien.

—              Dans les vidéos, ils ne mouillent pas les cheveux.

Mon épouse sort Google.

—              « Couper des cheveux secs demande une précision d’orfèvre. Mouiller les cheveux avant la coupe ne peut qu’améliorer la qualité du travail. »

OK.

Je tranche rapidement.

Je me lève et vais me mouiller les cheveux.

Mis devant le fait accompli, mon fils de 15 ans commence avec la lame de 15mm.

—              Ça ne coupe rien, on passe à 10.

—              Tu es certain ?

—              T’inquiète, je gère.

Bzzzzz, bzzzz, bzzzzz.

—              Ça coupe rien non plus, allez, je passe à 5 mm.

—              Euh…

—              Tu me fais confiance ?

—              OK.

On se marre – surtout mes fils et mon épouse, d’ailleurs.

On envoie même une vidéo à notre copine coiffeuse qui nous a conseillé la tondeuse.

(Vous avez déjà essayé de commander une tondeuse sur amazon ? Il y a environ 500 modèles !)

Chacun y va de son commentaire.

Mon fils reste fidèle à son cap.

Fidèle à son idée.

Eh bien il a assuré.

Bravo !

5 mm sur les côtés, 10 mm sur le dessus, nickel.

Vous êtes obligé de me croire sur parole, vous n’aurez pas de photo !

Me voici jeune et beau.

Prêt à.

Prêt à quoi au fait ?

À défiler dans les rues vides depuis le confinement ?

À aller faire des courses ?

Il paraît que les contrôles policiers ont été renforcés.

J’ai aussi entendu dire que, dans la Marne, les chasseurs avaient été autorisés à contrôler les promeneurs.

Bonne chance mon gars.

Parce que le jour où je suis contrôlé par un chasseur, on va bien rigoler.

Moi, l’écolo, contrôlé par un de ces fils de putes qui pue le vin et la poudre, des plumes d’oiseau qui dépassent de sa poche, qui bazarde ses cartouches dans la nature, qui tire sur les chats tellement le gibier est déjà mort par les tonnes de glyphosate qu’il a balancé dans ses vignes, qu’il vienne, ce bâtard oser me dire quoique se soit avec son gros bide et son fusil, ce trou du cul qui prétend protéger la nature en tirant dessus comme un détraqué mental, pour un peu on dirait Macron qui parle de son nouvel amour tout beau tout neuf pour l’hôpital.

Je me calme.

On n’est pas dans la Marne.

Peut-être que dans la Marne, les chasseurs ne sont pas des sacs à vin. Peut-être ont-ils même un cerveau. Qui sait ? Je blague, bien sûr. Un chasseur avec un cerveau, ça se saurait.

Qu’est-ce que je disais ?

Mon épouse me dit qu’une prime de 500 balles allait être donnée aux soignants qui ont contribué au plan Covid.

Tant mieux pour eux, c’est mérité.

Très bien.

Mais tout de même. Ça me travaille.

Ça me fait même un peu gerber.

500 balles. Ça rime à quoi ? 500 balles pour avoir risqué sa vie sans masque ? Tu donnes quel prix à ta vie de soignant, toi ?

Si j’ai bonne mémoire, 500 balles, c’est le montant de la prime qu’on avait donné à notre assistante/secrétaire pour nous avoir aidé à gérer le déménagement du vieux cabinet médical vers le nouveau en 2013.

Et, ce qui me file la gerbe, et là on retrouve bien le côté pervers de nos gouvernants. Il y a les bons soignants, d’un côté, qui sont allés au contact et les mauvais soignants, de l’autre, qui sont restés derrière. Mais d’après toi, pour que les bons soignants aient la possibilité d’accueillir correctement les patients covids +, qu’est-ce qu’ils ont fait, les mauvais soignants ? Ils ont vidé leurs services, déprogrammé toutes leurs interventions, géré les patients covid-.

Ils ne sont pas restés les bras croisés.

Ce ne sont pas forcément des lâches ni des collabos parce qu’ils n’ont pas été sur la brèche.

Tout le monde est solidaire.

Tout le monde a participé.

Tout le monde a joué sa partition.

Bien entendu, les réanimateurs ont abattu un boulot de malade.

Bien entendu, ils ont mis toutes leurs forces dans la bataille.

Bien entendu, ils sont exemplaires.

Mais on recommence à diviser, à mettre en valeur les bons et flinguer les mauvais, à faire naître des rancœurs, poignarder l’hôpital en faisant des clans.

C’est mon avis, il ne vaut que ce qu’il vaut.

Mais ça ne m’étonne pas de nos dirigeants.

Autant fils de putes que ces connards de dézingueur d’oiseaux.

Autant protecteurs de l’hôpital que les autres pourraves sont défenseurs de la nature.

Je respire.

La presse n’est pas tendre envers Macron. Vous avez remarqué ?

Et l’école à la maison pendant les vacances ? On en est où ? Hein ?

Un peu de maths avec ma fille de CP.

Un coup d’œil rapide – très rapide – sur l’ENT pour les devoirs des garçons.

—              Ah ouais ? Tout ça ? OK.

ET hop, oubliés, les devoirs !

Circulez, y a rien à voir.

Au fait. Et la séance d’hypnose ?

Géniale.

Un chouette moment ensemble, dans le jardin.

Ce que ça a donné ?

Désolé, je ne peux rien vous dire.

Mais je vous conseille l’expérience, c’est un beau temps d’échange et de partage, un moment calme et doux où chacun peut exprimer un peu de sa vérité, de qui il est, de ce qu’il souhaite tout au fond de lui.

Ils sont merveilleux ces petits !

Pas comme ces merdeux bla,bla,bla….

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

La publication a un commentaire

  1. Al par hasard

    L’ homme le plus riche de notre canton est coiffeur … C’est le seul truc toujours en croissance, le cheveu, tant qu’il y en a.

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