Vous voulez savoir comment Maurice Chevalier s’est invitée aux urgences ?

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Vendredi 12 juin

Retour aux Urgences.

Après 15 ans de Médecine Générale

Un nouveau service tout neuf

Une équipe que je ne connais pas encore

Avec qui je vais passer 24h

Je me demande bien sûr comment ca va se passer

Exercer ce que j’ai appris a faire depuis 30 dans de nouvelles conditions.

C’est parti !

Tout d’abord, merci à toutes et à tous pour votre accueil chaleureux !

Je retrouve aux urgences une équipe dynamique, soutenante, marrante, chaleureuse, bienveillante, sérieuse, qui aime le travail bien fait, qui est unie dans un même but, faire du mieux possible dans une ambiance détendue, sereine et pleine d’humour et de rires.

Tous les ingrédients pour me sentir bien et pour travailler dans de supers conditions.

Bravo pour ce service que vous avez construit, qui est le vôtre et maintenant aussi le mien.

Merci de votre accueil.

Vraiment !

Beaucoup de messages d’encouragements de ma famille et d’amies et amis proches.

Merci à vous tous !

Les malades, les patients, sont là, nombreux, très nombreux. Je sais faire.

Ce qui s’avère compliqué, c’est la confrontation avec l’informatique, quasi absente lors de mon départ en 2005.

Tout passe par l’informatique.

Est-ce une bonne chose ?

Ce n’est pas la question. Elle est là et bien là.

Et prend du temps. Je patauge dans les nombreux protocoles. Mais chacun est disponible pour m’expliquer et me montrer.

Et puis les choses se compliquent.

Un syndrome neurologique très atypique et une ponction lombaire à faire. Heureusement qu’on me file un coup de main. Et puis un patient jeune de 40 ans qui fait un arrêt cardiaque dans un box ! J’assiste de loin à la réanimation. Une femme âgée qui a mal dans la poitrine depuis 8 jours et qui a fait un infarctus. A l’échographie, son cœur est très abîmé. Un patient qui arrive en décompensation cardiaque sévère maîtrisée sur le fil par de la ventilation non invasive, un masque plaqué sur le visage et une machine qui l’assite dans sa respiration. On me file un grand coup de main, merci.

Une dame a une douleur à la main. Je m’assieds près d’elle. Elle me raconte won histoire. Elle a été gravement brûlée dans l’incendie de sa maison. Son père et son frère sont décédés. Un jour, lors d’un voyage en Roumanie, elle rencontre des français âgés. -D’où êtes-vous ? -De Bretagne, répond-elle. Et elle donne le nom de son village en breton. -Qui es-tu ? demande alors le monsieur âgé. Elle donne son nom et le monsieur la prend dans ses bras. C’est le pompier qui l’a sauvée des flammes enfant !

Et puis un patient qui a fait une sacrée fausse route avec un comprimé et un poumon blanc à la radio, deux femmes de 87 et 93 qui ont trop mal au ventre, une fracture de l’humérus déplacée, 4 fractures du col du fémur, les premiers agités, une quantité impressionnante de personnes alcoolisées, très alcoolisées, très très alcoolisées. Les chiffres dansent, 1.70, 1.85, 2.60, 3.80, et… le record de ce soir, 4.60 g/litre d’alcool dans le sang !

Des chutes, des bagarres, des accidents de la route, les pompiers qui tournent, infatigable et intarissable noria d’uniformes bleus, d’ambulances rouges, de policiers…

– Ils se sont déshabitués pendant le confinement… Avant ils tombaient à 3 grammes, maintenant, ils tombent a 1,5 gramme !

Diner tardif, 1h30 du matin, l’équipe médicale au complet. Cordon bleu chelou, légumes cuits à l’eau insipides, purée fade. Bon.

La plupart des médecins ont apporté leur repas.

– C’est un moment trop important pour manger de la merde

On discute des patients en cours, on échange, on raconte ce qu’on a fait, on rigole. Moment chaleureux et bienvenu.

Et puis ça continue. Une luxation d’épaule chez une femme en chassant un moustique, là aussi on me file un coup de main, encore des accidents, des douleurs, des plaies, des alcoolisés, des agités.

Et voici que, comment par enchantement, se pointe Maurice Chevalier !

3h40.

Pourquoi Maurice Chevalier ?

Peut-être dans la discussion à propos d’une Madame Galabru qui vient d’Avène. Est-ce la femme de Michel Galabru ? Elle vient de la même ville.

– Matthieu, tu connais Maurice Chevalier, me demande une infirmière ?

– Bien sûr.

Aux urgences, il y a ceux qui connaissent Maurice Chevalier et les autres. Ceux du XXe siècle et ceux du XXIe… Dur dur…

– Chercher une chanson sur internet, tu verras, je suis sûr que tu connais…, je propose à l’infirmière – trop jeune pour connaître.

– Il est mort en 1880, dit-elle.

– Ah non, je suis vieux, d’accord mais pas à ce point !

– Il est né en 1880 !

Dans la vie faut pas s’en faire

La BO des Aristochats, c’est lui !

A 4h40, c’est un homme adressé par la clinique d’à côté pour fièvre et foyer pulmonaire au scanner. Donc, suspicion Covid. Donc protocole. Toute l’équipe est rodée, et, malgré l’heure tardive, tout roule.

Voilà pour les anecdotes.

Ainsi vont les journées et les nuits aux Urgences.

Rien de nouveau.

Je me demandais comment j’allais réagir.

Déjà, j’admire l’admirable sang-froid de mes confrères médecins qui restent inébranlables face à l’afflux massif de patients.

– Ça ira, tu verras.

Car le soleil finit toujours par se lever.

C’est comme ça.

Ça a toujours été comme ça.

Je sais que je dois surveiller mes deux grosses fragilités, dompter mes deux démons :

1/Me retrouver désemparé face à trop de patients. 2/La colère froide qui me ronge devant le manque de solidarité et la mauvaise foi des services.

Penser, quand la panique et le découragement se pointent au moment où les choses s’accélèrent, à faire le dos rond, comme dans une tempête en mer, me concentrer sur ma mission, faire du mieux, redescendre au niveau humain, humaniser la relation, ici et maintenant, avec la certitude tranquille, confiante et sereine que ça va passer.

Prendre du recul quand les spécialistes ne jouent pas le jeu et bottent en touche de mauvaise foi. Être plus forts qu’eux et faire ce qui est le mieux pour les patients.

Demain, deuxième garde : ma mission : une meilleure organisation et une efficacité plus soutenue dans l’utilisation de l’informatique et mes prescriptions.

Laisser la place à l’humour et aux rires.

#urgences #unejournéeauxurgences #merci #équipeformidable

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#informatique #agitation

Matthieu Deshayes

Passionné de cinéma et de littérature, j'écris des histoires depuis toujours. Après 30 années de médecine, j'ai décidé de valoriser cette activité d'écriture et de la pousser plus loin en écrivant des scénarios et en réalisant des courts métrages. L'écriture est l'occasion de partager les thèmes et les idées qui comptent pour moi : la famille, les amis, les relations humaines, la nature et les thèmes qui les accompagnent : les relations parents/enfant, les relations frères/sœurs, les secrets de famille, les positionnements parfois douloureux, les choix impossibles, la défense de notre environnement. Le cinéma est la possibilité fantastique de traduire mes histoires en images, une aventure humaine exigeante et passionnante à travers le travail d'équipe, la rencontre de nombreux métiers différents et complémentaires tous unis dans le but de faire exister un film.

Cet article a 2 commentaires

  1. Oliveira cendra

    Heureuse de te sentir bien… A ta place ! Et ils en ont je crois de la chance ces collègues et ces patients de croiser le chemin d’un homme qui est là pour eux… Droit dans ses bottes… A sa place… Gooooooo!!!!

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